Le Monde

Voici la gare de Nara, la capitale historique du Japon qui attire des foules de touristes. Vu les flux, la gare a un supermarché important. Jusqu’à là rien de spécial. Sauf qu’il n’y a pas vraiment de portes, ni de murs d’ailleurs, entre la salle de la gare et le supermarché. Vous avancez et soudain vous êtes entre les étalages. Pour payer il faut avancer dans le magasin. Alors, il y a bien un vigile caché quelque part ? Non, aucun parce que —les expatriés occidentaux vous expliqueront— les Japonais ne volent pas et… ils pensent que les touristes ne volent pas non plus…

One thought on “Le Monde

  1. shinichi Post author

    Bienvenue dans le monde sans méfiance, ni contrôle… au Japon

    Le Monde

    http://www.lemonde.fr/emploi/article/2014/11/06/bienvenue-dans-le-monde-sans-mefiance-ni-controle-au-japon_4519748_1698637.html

    La presse économique parle beaucoup ces derniers temps d’entreprises fondées sur la confiance. Dans telle firme britannique ou française les salariés choisissent autant de vacances qu’ils souhaitent, dans telle organisation belge ou française les salariés décident quand et où —bureau ou domicile— ils veulent travailler, dans telle autre entreprise française ou américaine, les salariés décident de leur rémunération… Tout cela n’est pas nouveau. Des entreprises fondées sur la confiance existent en France et dans le monde depuis plusieurs décennies. En même temps, leur mode de fonctionnement paraissait toujours tellement inhabituel que certaines parmi elles étaient qualifiées… de sectes.

    Il doit s’y passer des choses bizarres pour que les gens n’y profitent pas de la confiance qu’on leur accorde pour tricher. Cela étant dit, la crainte elle-même est légitime. Légitime d’autant plus que la bureaucratie hiérarchique des entreprises traditionnelles est une machine à fabriquer des tricheurs. Si ces dernières survivent malgré tous leurs malades imaginaires, leurs tire au flanc, leurs chiffres et rapports truqués —tout cela augmenté des coûts cachés du contrôle— c’est que les entreprises fondées sur la confiance survivront aux tricheries des 3% de profiteurs. Elles éviteront surtout de ne pas rajouter une nouvelle couche de contrôle chaque fois que quelqu’un profite de la confiance. Elles préféreront se séparer du profiteur plutôt que punir la majorité honorable.

    surtout pas de bisounours

    Secte ? A voir, mais surtout pas de bisounours. Des arguments en faveur de la confiance comme ceux ci-dessus ne suffiront jamais, mais le fait est que ces entreprises n’arrêtent pas d’attirer l’attention des acteurs des entreprises traditionnelles, un peu comme pour combler un manque— de confiance justement. Et pourtant, la psychanalyse dira qu’on ne peut jamais combler des manques fondamentaux, sauf à se transformer pour s’en débarrasser. N’empêche. Récemment, un dirigeant partant en mission au Japon, et très intrigué par les entreprises fondées sur la confiance, m’a demandé si j’en connaissais une au Japon. Je lui ai conseillé de faire du benchmarking non pas des sociétés japonaises, mais… de la société japonaise.

    Beaucoup d’Occidentaux qui reviennent du Japon font part de ce choc qu’ils ont vécu dans le train japonais. Ils ont vu un contrôleur entrer dans le wagon… s’incliner devant tous les passagers, puis, en partant du wagon, se retourner et s’incliner de nouveau. C’est sympa, diriez-vous, mais ils contrôlent les billets quand même. Vous avez raison, mais à la lumière de quelques faits suivants ils pourraient autant de ne pas le faire.

    ce pays où on fait confiance

    Voici la gare de Nara, la capitale historique du Japon qui attire des foules de touristes. Vu les flux, la gare a un supermarché important. Jusqu’à là rien de spécial. Sauf qu’il n’y a pas vraiment de portes, ni de murs d’ailleurs, entre la salle de la gare et le supermarché. Vous avancez et soudain vous êtes entre les étalages. Pour payer il faut avancer dans le magasin. Alors, il y a bien un vigile caché quelque part ? Non, aucun parce que —les expatriés occidentaux vous expliqueront— les Japonais ne volent pas et… ils pensent que les touristes ne volent pas non plus…

    Je ne l’ai pas fait exprès, mais j’ai testé cette affirmation. Lors d’un voyage récent au Japon, je prends un Shinkansen, le TGV japonais, et en sortant à Kyoto, je me rends compte sur le quai que mon Samsung Galaxy 4 a probablement glissé de ma poche de pantalon et est resté dans le train. Direction le bureau du chef de gare, avec les pensées tournées plutôt vers le rachat d’un nouveau téléphone. Personne ne parle anglais, bien sûr. Mais puisque c’est peu commode pour de nombreux touristes, des retraités anglophones y travaillent volontairement avec un grand signe WE SPEAK ENGLISH et traduisent mon problème.

    Je scrute le visage de l’agent de gare. Il est embarrassé. On me traduit qu’il présente ses excuses pour ma mésaventure et demande si je connais mes sièges. Oui, je les connais. Il téléphone toute suite au contrôleur du train et nous dit que ce dernier est parti le chercher. Apres une petite attente le téléphone sonne et je vois le visage de l’agent se désoler. « Rien trouvé. » Mais, ce n’est pas terminé. Il m’annonce que si je suis sûr que mon téléphone est tombé dans le train —j’en suis sûr— les femmes de ménage le trouveront au terminus à côté d’Osaka. « Revenez demain midi », dit-il.

    Vous pariez combien qu’on trouvera mon téléphone ? Le lendemain à midi, l’agent de la veille n’est pas présent, les retraités non plus. Mais d’autres retraités traduisent la raison de ma venue et le visage du nouvel agent s’illumine. Il me tend mon téléphone. Habitué à la méfiance, je lui demande alors s’il n’a pas besoin que je lui décrive des signes distinctifs, comme mon écran d’accueil, pour prouver qu’il s’agit bien de mon téléphone. J’ai vu à son visage qu’il n’a pas compris la traduction…

    les énergies libérées

    J’ai raconté cette histoire à un ami, patron d’une PME en France et admirateur de la société japonaise. J’ai conclu ainsi : « Voici un peuple qui ne s’imagine pas qu’on peut ne pas faire confiance ». Sa réaction était : «Et ça… ça change beaucoup au quotidien ! » En effet, on contrôle car on n’a pas confiance. Avec toutes les lenteurs, procédures, tracasseries… et coûts cachés pour payer les contrôleurs… ainsi que les énergies pour les contourner. Mais si on n’a pas de méfiance vis-à-vis de l’autre, on n’a pas besoin de le contrôler.

    Imaginez seulement combien ça simplifie la vie. Combien plus fluides sont toutes les transactions, tous les échanges. Combien d’énergies consacrées au contrôle —et à son contournement— sont du coup libérées pour faire des choses vraiment utiles pour l’autre— un salarié, un client, un fournisseur, un étranger. Les entreprises dont j’ai parlé au début l’ont compris. Elles préfèrent faire confiance à leurs collaborateurs et utiliser les énergies ainsi libérées pour créer de la valeur. Bien sûr, tout n’est pas rose au pays du Soleil Levant. Ce n’est pas mon intention de discuter ici de toutes les particularités de ce pays, mais juste du rôle que la confiance y joue.

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