Editorial du « Monde »

Lorsque, dans quelques années, on dressera la liste des mutations que la pandémie de Covid-19 aura générées ou accélérées, le baccalauréat, monument français par excellence, y figurera sans doute. L’annonce, vendredi 3 avril, par le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de la suppression des traditionnelles épreuves de fin d’année et de leur remplacement par la prise en compte des notes obtenues tout au long de l’année scolaire, constituerait une révolution si elle intervenait en période normale. Ni l’occupation nazie ni Mai 68 n’avaient entraîné l’interruption totale des épreuves.

One thought on “Editorial du « Monde »

  1. shinichi Post author

    Le baccalauréat 2020, exception ou exemple ?

    ÉDITORIAL
    Le Monde

    Editorial. La suppression des traditionnelles épreuves de fin d’année met en lumière la déconnexion entre le bac et les procédures d’admission dans l’enseignement supérieur et devrait alimenter la réflexion sur la fonction sociale de cet examen.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/04/le-bac-2020-exception-ou-exemple_6035573_3232.html

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    Editorial du « Monde ». Lorsque, dans quelques années, on dressera la liste des mutations que la pandémie de Covid-19 aura générées ou accélérées, le baccalauréat, monument français par excellence, y figurera sans doute. L’annonce, vendredi 3 avril, par le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de la suppression des traditionnelles épreuves de fin d’année et de leur remplacement par la prise en compte des notes obtenues tout au long de l’année scolaire, constituerait une révolution si elle intervenait en période normale. Ni l’occupation nazie ni Mai 68 n’avaient entraîné l’interruption totale des épreuves.

    Le recours au contrôle continu est destiné à répondre à une situation exceptionnelle d’un tout autre ordre : le confinement obligatoire et la fermeture des établissements scolaires, destinés à ralentir la propagation d’un virus planétaire. La décision du ministre apparaît comme un compromis pragmatique entre deux exigences : la préservation de la santé des élèves et celle de leur avenir.

    Les notes des trois trimestres, hors période de confinement, seront prises en compte. Pour tenter d’éviter l’effet de démobilisation, M. Blanquer assure que les jurys intégreront les notes obtenues après une reprise – hypothétique – des cours en mai, et que l’assiduité jusqu’au 4 juillet sera prise en compte. A la veille de vacances scolaires confinées, alors qu’angoisses et incertitudes sont omniprésentes, élèves et parents savent au moins à quoi s’en tenir sur le bac.

    Signe de temps extraordinaires, les syndicats d’enseignants, dont certains vouaient M. Blanquer aux gémonies il y a peu, admettent unanimement la solution retenue. « Le recours aux notes s’impose. C’est la moins mauvaise solution », reconnaît le SNES-FSU, pour qui le contrôle continu constituait jusqu’à présent le comble de la régression, un symbole de « démagogie » et l’ultime « piège du bac Blanquer ».

    Souplesse des syndicats

    Le premier syndicat de l’enseignement secondaire est en pointe dans la défense des épreuves terminales organisées nationalement au nom de l’égalité entre les élèves, tandis que le SGEN-CFDT, lui, est favorable au contrôle continu en cohérence avec l’enseignement supérieur.

    Personne ne peut prévoir en quoi la forme exceptionnelle que revêt le bac 2020 imprégnera les évolutions à venir. Il se trouve que la pandémie survient alors qu’est engagée par Jean-Michel Blanquer une réforme des lycées intégrant un allégement de cet examen-phare. La souplesse dont font preuve aujourd’hui les syndicats hostiles au contrôle continu peut s’expliquer en partie par leur souci compréhensible d’éviter que le bac n’empiète sur les congés d’été.

    Rien ne dit que la contestation ne reprendra pas ensuite. Epreuve à laquelle les Français sont très attachés, le baccalauréat commande aussi l’architecture de l’enseignement secondaire, en particulier le statut et le prestige des professeurs, à travers le type d’épreuves retenu, le poids des différentes disciplines et les coefficients qui y sont attachés.

    Mais l’« accident » de 2020, en mettant en lumière la déconnexion entre le bac et les procédures d’admission dans l’enseignement supérieur, devrait alimenter la réflexion sur la fonction sociale de cet examen. Non seulement sur l’importance d’épreuves marquant une étape de la vie. Mais aussi sur l’hypocrisie qui présente le bac comme la porte d’entrée dans le supérieur, alors que tout se joue désormais avant. Et sur la prétendue égalité que symbolise un examen final national qui masque des inégalités abyssales entre lycées, une plaie à traiter en priorité.

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