Federico

La situation va empirer pendant le Mondial, j’espère. Nous, en tout cas, on prépare quelques festivités. Mais des festivités à notre manière de Black Bloc. Préparez-vous au pire.

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  1. shinichi Post author

    Mondial: «Préparez-vous au pire»

    par Quentin Girard

    http://www.liberation.fr/monde/2014/06/10/mondial-preparez-vous-au-pire_1037496

    Federico est attablé à une table en plastique en terrasse d’une gargote, dans une rue calme de São Paulo. Avec ses piercings et ses nombreux tatouages, à 35 ans, il en paraît dix de moins. Fonctionnaire, il est aussi ce qu’on appelle un Black Bloc, ces anarchistes qui se regroupent de manière informelle et anonyme lors des protestations. Depuis plusieurs mois, il participe à de nombreuses manifestations contre le Mondial, mais aussi contre l’Etat capitaliste de manière générale. Après Felipe, délégué syndical du métro, Federico nous raconte son contre-mondial.

    «Moi, je suis profondément anarchiste, je veux envoyer en enfer la culture bourgeoise. Ça vient de mon grand-père, un Italien pauvre antifasciste qui a dû émigrer ici pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai été élevé dans cette culture-là dans une favela de l’est de la ville où on est resté dix-huit ans avec ma mère. J’habite encore pas loin.

    «Lundi soir, on était à une assemblée générale pour savoir si on devait commencer une grève à la préfecture. Les gens parlaient, parlaient, ils hésitaient, mais ça ne sert à rien! Il faut fuck la préfecture, fuck la police, fuck l’Etat, fuck la Coupe du monde. On voit bien que ça ne marche pas, qu’on nous donne un peu pour faire croire de temps en temps que la situation va s’améliorer, mais que c’est une arnaque. Car, avec le système actuel, rien ne peut changer.

    «On me dit souvent que c’est contradictoire d’être fonctionnaire et anarchiste. Pas pour moi. Mon travail, on s’en fout, je suis assis à un bureau toute la journée parce qu’un jour j’ai réussi un concours, mais je pourrais être serveur ou vendre je ne sais pas quoi. Cela n’a aucune importance. Ce qui est important, c’est quand je suis dans une manif, tout en noir. Là, je vois les autres autour de moi. On ne se connaît pas, mais on sent une fraternité instantanée. On devient tous anonymes, individuellement on n’est rien, mais ensemble on forme un groupe puissant. Après on va se battre contre les policiers et défoncer les banques ou les autres symboles du capitalisme. J’adore ces moments, je crois que c’est un peu ma thérapie. Je pense comme Bakounine, «la passion de la destruction est en même temps une passion créatrice».

    «Dans les manifestations au Brésil, il n’y a jamais beaucoup de Black Bloc, même si notre nombre augmente depuis un an. Nous sommes au plus 500, mais cela suffit. Les autres, ils sont avec leurs slogans et leurs petits drapeaux de syndicats, c’est vain. Nous, on crée la confrontation, l’affrontement. Même si on ne représente que 5% des gens présents, on arrive à entraîner le reste de la foule.

    «J’ai été arrêté plusieurs fois, à chaque fois relâché rapidement. Il ne pouvait rien prouver contre moi et surtout j’ai la chance d’être blanc. Si j’étais noir, je pense que je croupirais en taule.

    «La situation va empirer pendant le Mondial, j’espère. Nous, en tout cas, on prépare quelques festivités. Mais des festivités à notre manière de Black Bloc. Préparez-vous au pire.»

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