Pierre-Henri Tavoillot

L’idée d’universel est devenue suspecte ; nous autres contemporains avons appris à nous en méfier. Si elle fut jadis triomphante, l’histoire nous montre qu’elle servit de masque au colonialisme et à l’ethnocentrisme pour opprimer au nom de “la civilisation” les peuples “en marge du progrès”. Aujourd’hui plus modeste ou plus discrète, elle semble pourtant alimenter encore cette mondialisation que dénoncent ceux qui ne se résignent pas à l’homogénéisation et à l’uniformisation du monde. Face à elle, on est prêt à défendre bec et ongles les identités et les différences. Jusqu’à ce que l’on rencontre un autre motif – tout aussi puissant – de méfiance : le particularisme ; surtout lorsqu’il paraît faire le lit de l’égoïsme étroit, du repli communautaire ou du nationalisme agressif. Entre deux maux, lequel choisir ? Impérialisme ou communautarisme ? Universalisme ou différentialisme ? L’embarras est grand et notre hésitation, voire notre mauvaise conscience, se fait particulièrement sentir à propos des droits de l’homme. Valeurs cardinales et incontestables pour les uns, instruments cyniques de l’impérialisme occidental pour les autres, ils ne semblent pas trouver leur place entre l’universalité de leur promesse et la particularité de leur origine.

One thought on “Pierre-Henri Tavoillot

  1. shinichi Post author

    L’idée d’universalité

    par Pierre-Henri Tavoillot

    Bibliothèque nationale de France

    http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/04.htm

    On pense habituellement – c’est là une tradition bien ancrée – que cette ambivalence témoigne du fait que nous serions au-delà de l’époque des Lumières. Celles-ci, naïvement confiantes dans la raison, le progrès et le bonheur de l’humanité, auraient fait le rêve d’un universel incarné touchant le vrai, le bien, le beau. Mais confondant, parfois avec les meilleures intentions, l’homme en général et le mâle blanc occidental, elles auraient vu le rêve universaliste se muer en cauchemar impérialiste. Qu’est-ce que l’impérialisme, en effet, sinon un particulier qui, dans un délire mégalomaniaque, se prend pour l’universel et s’affirme comme tel ? Bref, notre méfiance contemporaine serait le signe de l’échec des Lumières.
    Rien n’est plus faux : l’évaluation critique de l’idée d’universel, loin d’être la négation des Lumières, en est sans doute un des héritages les plus précieux. Et il se pourrait que cette pensée continue de nous guider dans notre désarroi contemporain.

    **

    Lumières

    Pour les penseurs des Lumières, tous les hommes participent d’une même nature : “Tout ce qui tient intimement à la nature humaine se ressemble d’un bout de l’univers à l’autre” (Voltaire). L’histoire et la géographie suffisent à expliquer les différences entre les hommes.

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