Maïa Mazaurette

Pourquoi le sexe est-il meilleur à l’hôtel ?
Parce que la nouveauté de l’espace entraîne souvent la nouveauté dans le comportement, l’hôtel suscite un formidable imaginaire sexuel.

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  1. shinichi Post author

    Pourquoi le sexe est-il meilleur à l’hôtel ?

    Parce que la nouveauté de l’espace entraîne souvent la nouveauté dans le comportement, l’hôtel suscite un formidable imaginaire sexuel.

    par Maïa Mazaurette

    http://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2016/06/12/pourquoi-le-sexe-est-il-meilleur-a-l-hotel_4948636_4500055.html

    Puisque le temps le permet enfin, faisons grimper la température. Parlons vacances et parlons sexe : dans une certaine mesure, le sexe est une vacance. Vous avez certainement remarqué comme les changements d’air semblent favorables aux activités sexuelles ?

    Ce n’est pas une impression. Pour être prosaïquement comptable : nous attrapons plus de partenaires en été. Et plus de maladies vénériennes – on ne peut pas gagner à tous les coups, n’est-ce pas.

    Pour les chanceux parmi nous, ces escapades passeront par l’hôtel. Tout un imaginaire ! Celui de la lune de miel offerte par beau-papa, de l’infidélité secrète, des siestes crapuleuses, du confort en lin couleur crème, des séminaires professionnels qui dérapent, des love-hotels où tout pourrait arriver.

    Laisser cours à la pulsion

    Un imaginaire flexible qui englobe toutes les variations possibles : le motel inquiétant et excitant des films de David Lynch, le palace des héritières. Mais au-delà des références culturelles, pourquoi cet environnement nous inspire-t- il autant ?

    Commençons par l’aspect le plus pragmatique : la chambre d’hôtel n’est pas seulement différente, elle est propre – sans que cette propreté soit associée à un effort personnel. Cette propreté est un dû. Les draps sentent le frais. Le matelas est moelleux, recouvert d’une quantité extravagante d’oreillers qui sont autant de sex-toys ou de supports pour des levrettes endiablées (du moins si votre hôtel a travaillé son insonorisation).

    Vous pouvez retomber en enfance, laisser cours à la pulsion. Même si vous flanquez tout par terre, les dommages seront réparés le lendemain (laissez un pourboire). Le fait de n’avoir pas à nettoyer permet d’exercer une sexualité sauvage et gratuite – dénuée de ses conséquences. Le sexe peut enfin être sale. Au-delà des galipettes, ne pas avoir à ranger permet d’éviter certains conflits de couple. C’est toujours mieux.

    Se réinventer de fond en comble

    Cette propreté s’étend, en outre, à nos personnes. Faire l’amour dans des draps qui ne sentent pas la transpiration des dernières nuits, c’est faire l’amour à neuf – un historique sexuel lavé-blanchi, une première fois toujours recommencée.

    C’est d’autant plus vrai qu’on ne trimballe pas son passé à l’hôtel : ni bibelots de la grand-mère, ni photos du voyage précédent, ni ces redoutables tue-l’amour que sont les dessins des enfants. Nous arrivons d’autant plus nus à l’hôtel que nous y sommes enfin disponibles, débarrassés de l’attirail du travail et des obligations.

    Au niveau de l’espace mental, la chambre d’hôtel se présente sous deux versions également érotiques. Soit uniforme tendance vierge (deux fantasmes sexuels, comme par hasard), soit déguisée (côté Sud, design, Versailles – des thématiques qu’il suffit de pousser dans les escaliers pour les rendre torrides). Vous pouvez donc vous y réinventer de fond en comble. Y prendre une autre identité.

    Vous jouez à être ailleurs : vous pouvez bien jouer à être quelqu’un d’autre. L’hôtel permet tous les jeux de rôles, donc toutes les aventures – la nouveauté de l’espace entraîne souvent une nouveauté dans le comportement. Parce qu’on cherche l’interrupteur, parce que le matelas est si mou, notre partenaire perd ses marques. Il redevient un étranger.

    Sautes de routine

    Comme l’explique l’experte et sexothérapeute Esther Perel, seule la distance permet de prendre son élan vers l’autre : notre désir se nourrit de ces sautes de routine. Les vingt années de mariage sont amorties, on porte des vêtements différents, on a peut-être ressorti sa nuisette (qui gratte, mais bon) : il faut se redécouvrir, il faut se redésirer.

    C’est encore plus vrai quand le couple (ou le trouple, ou la famille) part en vacances à l’étranger : tout en perdant nos repères, nous sommes nos meilleurs alliés face aux petites incompréhensions du quotidien. C’est nous dans le monde : une zone de confort quand rien n’est sous contrôle.

    Nul besoin d’ailleurs de franchir les frontières pour connaître ce retranchement sur « les personnes de confiance » : on pourrait citer les vacances sportives un peu extrêmes (« c’est nous contre la montagne et le requin »), le camping (« c’est nous contre les voisins bruyants et cette maudite tente qui perd ses sardines »), l’indigestion (« ces saucisses noires portugaises sont un désastre »). Les vacances éloignent tout en rappelant qu’on peut compter l’un sur l’autre – et l’on sait comme les pires galères ne font que nous rapprocher.

    Transporter l’hôtel à la maison

    Alors vous allez me dire : c’est bien joli, mais tout le monde n’a pas les moyens de partir en vacances, encore moins à l’hôtel. Vous allez me dire : moi, je pars en vacances chez les beaux-parents et c’est ceinture (n’allez pas trop vite en besogne cependant, car on fait beaucoup l’amour entre Noël et le jour de l’an, preuve que les obligations familiales font piètre figure comme excuses).

    Mais d’accord. Les hôtels coûtent un argent que tout le monde n’a pas. Alors pourquoi ne pas transporter l’hôtel à la maison ? Ou au studio ?

    Peut-être vivez-vous dans une chambre trop étroite pour caser un lit king-size surélevé, sans parler de ces aberrants coussins surnuméraires. Mais vous pouvez certainement changer les draps, faire impeccablement votre lit, aérer, allumer trois bougies. Vous pouvez certainement décrocher les tableaux de mamie, au moins temporairement, ramener vos dossiers dans le salon plutôt que d’éplucher vos PowerPoint au lit, anonymiser votre quotidien, bousculer vos habitudes, et décider que la chambre à coucher redevient une chambre où on couche (sexuellement) autant qu’on s’y couche (pour dormir).

    Il suffit d’un abat-jour différent pour modifier la couleur de ses murs. Et si vous avez un peu d’argent : une bonne literie, haute et large, peut constituer un investissement intéressant.

    Surmonter l’éventuel inconfort

    Mais si vous vivez dans un espace minuscule et partagé ? Pas de problème. Si l’hôtel était nécessaire, ou la carte visa, nous serions une espèce éteinte depuis longtemps ! Les lieux sont nombreux où l’on fait l’amour, non pas mieux qu’à la maison, mais différemment – cette différence insufflant une puissance érotique suffisante pour surmonter l’éventuel inconfort (le froid, les voyeurs, une piqûre d’araignée sur la fesse droite… je parle en connaissance de cause).

    Outre les plaisirs bien connus de l’interdit (la rue, le palier, la remise de la cantine), notre motivation sexuelle augmente à peu près partout où l’on peut échapper au domestique. L’hôtel érotise un certain luxe, mais vous pouvez érotiser la nature (tellement authentique), le camping (tellement champêtre) ou l’arrière des berlines (tellement Kerouac).

    L’hôtel est spécial parce qu’il permet une amélioration du confort matériel, une plus grande disponibilité, une irresponsabilité fondamentale. Mais avant tout la chambre d’hôtel est une idée. Un fantasme. Elle est flexible, multiple, elle peut se décliner ou se plaquer ailleurs : l’hôtel est le lieu où nous cessons d’être propriétaire. Des murs comme du corps. A ce titre la chambre d’hôtel peut se décider : ici, maintenant.

    Sans poser de jours de congé.

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