Du port obscur montèrent les premières fusées des réjouissances officielles. La ville les salua par une longue et sourde exclamation. Cottard, Tarrou, ceux et celle que Rieux avait aimés et perdus, tous, morts ou coupables, étaient oubliés. Le vieux avait raison, les hommes étaient toujours les mêmes. Mais c’était leur force et leur innocence et c’est ici que, par-dessus toute douleur, Rieux sentait qu’il les rejoignait. Au milieu des cris qui redoublaient de force et de durée, qui se répercutaient longuement jusqu’au pied de la terrasse, à mesure que les gerbes multicolores s’élevaient plus nombreuses dans le ciel, le docteur Rieux décida alors de rédiger le récit qui s’achève ici, pour ne pas être de ceux qui se taisent, pour témoigner en faveur de ces pestiférés, pour laisser du moins un souvenir de l’injustice et de la violence qui leur avaient été faites, et pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.
La Peste
d’Albert Camus
Rieux montait déjà l’escalier. Le grand ciel froid scintillait au-dessus des maisons et, près des collines, les étoiles durcissaient comme des silex. Cette nuit n’était pas si différente de celle où Tarrouet lui étaient venus sur cette terrasse pour oublier la peste. La mer était plus bruyante qu’alors, au pied des falaises. L’air était immobile et léger, délesté des souffles salés qu’apportait le vent tiède de l’automne. La rumeur de la ville, cependant, battait toujours le pied des terrasses avec un bruit de vagues. Mais cette nuit était celle de la délivrance, et non de la révolte. Au loin, un noir rougeoiment indiquait l’emplacement des boulevards et des places illuminés. Dans la nuit maintenant libérée, le désir devenait sans entraves et c’était son grondement qui parvenait jusqu’à Rieux.
Du port obscur montèrent les premières fusées des réjouissances officielles. La ville les salua par une longue et sourde exclamation. Cottard, Tarrou, ceux et celle que Rieux avait aimés et perdus, tous, morts ou coupables, étaient oubliés. Le vieux avait raison, les hommes étaient toujours les mêmes. Mais c’était leur force et leur innocence et c’est ici que, par-dessus toute douleur, Rieux sentait qu’il les rejoignait. Au milieu des cris qui redoublaient de force et de durée, qui se répercutaient longuement jusqu’au pied de la terrasse, à mesure que les gerbes multicolores s’élevaient plus nombreuses dans le ciel, le docteur Rieux décida alors de rédiger le récit qui s’achève ici, pour ne pas être de ceux qui se taisent, pour témoigner en faveur de ces pestiférés, pour laisser du moins un souvenir de l’injustice et de la violence qui leur avaient été faites, et pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.
Mais il savait cependant que cette chronique ne pouvait pas être celle de la victoire définitive. Elle ne pouvait être que le témoignage de ce qu’il avait fallu accomplir et que, sans doute, devraient accomplir encore, contre la terreur et son arme inlassable, malgré leurs déchirements personnels, tous les hommes qui, ne pouvant être des saints et refusant d’admettre les fléaux, s’efforcent cependant d’être des médecins.
Ecoutant, en effet, les cris d’allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.
La Peste
Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Peste
La Peste est un roman d’Albert Camus publié en 1947 et ayant reçu le prix des Critiques la même année. Il appartient au cycle de la révolte rassemblant trois œuvres de Camus, La Peste, L’Homme révolté et Les Justes qui ont permis en partie à son auteur de remporter le prix Nobel de littérature en 1957.
La mort des rats
Un jour d’avril à Oran, en Algérie, le docteur Rieux trouve un rat mort sur son palier. Très vite, le nombre de rats qui remontent à la surface pour mourir se multiplie et les rues de la ville sont bientôt submergées de tas informes de rats morts. Les autorités décident de les incinérer.
Les premiers cas humains
Le concierge de l’immeuble du docteur Rieux tombe malade, et, malgré les soins du médecin, il meurt d’une maladie mystérieuse. Grand, un employé de mairie, vient voir le docteur Rieux car les rats meurent en très grand nombre. À la fin de la première partie, les autorités, après bien des hésitations, se décident à fermer la ville et l’isoler pour empêcher la maladie, qui semblerait être la peste, de se propager. Rambert, un journaliste, fait tout pour regagner Paris où se trouve sa compagne. Cottard, qui avait tenté de se suicider, semble éprouver du plaisir dans le malheur des habitants d’Oran, car il en profite pour se livrer à des activités de trafic lucratives. Grand essaie d’écrire un livre. Tarrou, étranger à la ville, dresse sa propre chronique du fléau et devient le collègue du docteur Rieux.
L’épidémie
Le père Paneloux voit dans l’épidémie tout ce qui suit, sauf une grâce qui permet aux hommes de faire des actes de charité. Dans la ville, avec l’arrivée de l’été, les crimes se multiplient mais les habitants s’habituent aux ravages de l’épidémie. À l’approche de l’automne, Rambert rejoint Rieux et Tarrou dans leur lutte acharnée contre la peste. Plus tard, on assiste à l’agonie d’un jeune enfant, une mort et une souffrance atroce qui provoquent chez Paneloux une prise de conscience et de foi plus forte que jamais. Tarrou et Rieux, qui luttent ensemble et sans relâche contre l’épidémie, décident de se reposer un peu et célèbrent leur amitié dans la scène du bain de mer.
La fin de la peste
En janvier, la peste régresse, et le sérum développé par Castel se met curieusement à gagner une efficacité qu’il n’avait pas jusqu’alors. On voit aussi que Tarrou, soigné par Rieux, est une des dernières victimes de la peste. Il meurt après avoir longtemps lutté. De plus, Cottard devient fou et se met à tirer sur les passants depuis son appartement, il est arrêté puis incarcéré. Ce même jour, Rieux apprend que sa femme, partie se faire soigner hors de Oran avant l’épidémie de peste, est décédée de la tuberculose. Rieux, qui a combattu la peste pendant presque une année, paraît avoir tout perdu et apparaît à la fin comme un personnage lucide, conscient de tout le mal que la peste a fait.
“I don’t know. My… my code of morals, perhaps.”
“Your code of morals. What code, if I may ask?”
“Comprehension.”