La tendance de fond ne se dément pas : les Français sont plus tolérants que jamais. C’est ce que révèle le rapport 2017 sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, publié jeudi 22 mars par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH). Trois jours après la présentation par le premier ministre du nouveau plan contre le racisme et l’antisémitisme, cette étude, réalisée à partir d’un sondage auprès de 1 003 personnes, montre qu’après trois années de hausse, l’indice de tolérance à l’autre se stabilise, à 64 %. Il était de 48 % en 1991.
« La lente régression de l’intolérance se poursuit, commente Nonna Mayer, chercheuse au CNRS et à Sciences Po. Même s’il y a une tendance, en France comme dans toutes les démocraties, à se refermer sur son groupe d’appartenance – c’est ce que l’on appelle l’ethnocentrisme –, mais sans nécessairement avoir la haine de l’autre. » Les préjugés n’ont donc pas disparu.
Moins de racisme en France, mais autant de préjugés
Selon le rapport annuel de la CNCDH, les Français sont plus tolérants que jamais : 59 % s’estiment « pas racistes du tout », le plus haut niveau depuis le début des années 1990.
par Louise Couvelaire
http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/03/21/moins-de-racisme-en-france-mais-autant-de-prejuges_5274472_3224.html
La tendance de fond ne se dément pas : les Français sont plus tolérants que jamais. C’est ce que révèle le rapport 2017 sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, publié jeudi 22 mars par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH). Trois jours après la présentation par le premier ministre du nouveau plan contre le racisme et l’antisémitisme, cette étude, réalisée à partir d’un sondage auprès de 1 003 personnes, montre qu’après trois années de hausse, l’indice de tolérance à l’autre se stabilise, à 64 %. Il était de 48 % en 1991.
« La lente régression de l’intolérance se poursuit, commente Nonna Mayer, chercheuse au CNRS et à Sciences Po. Même s’il y a une tendance, en France comme dans toutes les démocraties, à se refermer sur son groupe d’appartenance – c’est ce que l’on appelle l’ethnocentrisme –, mais sans nécessairement avoir la haine de l’autre. » Les préjugés n’ont donc pas disparu.
Si le « racisme biologique » est aujourd’hui très largement minoritaire – seules 9 % des personnes interrogées estiment qu’il existe des races, dont certaines seraient inférieures aux autres – près d’un Français sur deux admet une part de racisme en lui : 2 % se disent « plutôt racistes » (contre 12 % en 2000), 19 % « un peu racistes » (contre 31 %) et 20 % « pas très racistes » (contre 26 %). Les autres (59 %) ne s’estiment « pas racistes du tout » – ils n’étaient que 28 % il y a dix-huit ans : un résultat en hausse de cinq points par rapport à 2017, et le plus haut niveau depuis le lancement de ce baromètre au début des années 1990.
Des insultes condamnées
« Les personnes qui se disent “plutôt” ou “un peu” racistes n’ont pas du tout le même profil que les “pas très” ou “pas du tout racistes” : elles sont plus âgées, plus à droite, voire d’extrême droite, et moins diplômées, précise Nonna Mayer. Quant à celles qui se déclarent “pas très racistes”, c’est par scrupule : elles pensent qu’en cherchant bien elles le sont peut-être un peu, même involontairement. »
Reste à savoir ce que signifie « être raciste » aux yeux des sondés. « Aujourd’hui, le racisme s’exprime plutôt de manière indirecte, explique la chercheuse. Ceux qui se disent “plutôt” ou “un peu” racistes justifient leur racisme par des différences culturelles, le fait que les minorités, selon eux, “ne respectent pas nos valeurs”. » Ils évoquent ainsi « les différences ethniques », « la nationalité », « la religion », « le mode de vie » ou encore « les coutumes ». Une façon de « projeter la responsabilité du racisme sur ceux qui en sont victimes », constate le rapport.
Parallèlement, un Français sur deux estime que « rien ne peut justifier les réactions racistes », un chiffre en constante progression depuis plusieurs années. Les comportements discriminatoires et les insultes racistes sont également très largement condamnés. « Cela signifie que les gens ont intériorisé le fait que “le racisme, c’est mal” », analyse Nonna Mayer. Même si les barrières sont toujours là. »
« Radicalisation »
Fin janvier, le bilan du ministère de l’intérieur enregistrait une baisse de 16 % des actes racistes, antisémites et antimusulmans en 2017 (950 contre 1 128 en 2016). Cet état des lieux soulignait, malgré tout, l’augmentation des actions violentes, notamment à l’égard des juifs. Selon le rapport de la CNCDH, une minorité non négligeable de Français continuent de les associer à de vieux préjugés les liant au pouvoir et à l’argent. « Le sentiment de plus en plus prégnant que les comportements racistes sont intolérables peut s’accompagner d’une radicalisation des personnes racistes, et donc à une progression des actes à l’encontre des minorités ethniques et religieuses en France », avance le rapport.
Si les Roms restent de loin la minorité la plus mal perçue – 66 % des personnes interrogées pensent qu’ils « forment un groupe à part » –, les Français de confession musulmane sont les plus touchés par un « raidissement identitaire ». Trente-deux pour cent des Français ont une perception favorable de l’islam, mais certaines pratiques religieuses, comme le port du voile, intégral ou pas, continuent d’être perçues par une large majorité comme difficilement compatibles avec la société française. Alors même que l’image des musulmans – bien mieux considérés que leur religion – s’améliore.