Philippe Grangereau

«Internet est devenu le principal terrain de bataille idéologique […] entre notre régime et les forces occidentales hostiles […] et il ne faut pas craindre de montrer l’épée.» C’est par ce discours martial, prononcé au beau milieu de l’été, que le président chinois, Xi Jinping, a déclaré la guerre aux dissidents qui s’expriment sur Internet. Militants démocrates, avocats, universitaires… plus de 450 personnes à travers tout le pays ont été placées derrière les barreaux depuis la mi-août, selon des estimations d’opposants.
Afin de légaliser ces pratiques auxquelles le pouvoir communiste a recours depuis longtemps et de justifier cette campagne de répression, la Cour suprême a annoncé lundi que les personnes qui «répandent des rumeurs» ou des «fausses informations» qui sont «vues plus de 5 000 fois» sur la Toile, ou bien qui sont «repostées plus de 500 fois», seront désormais passibles de peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Ce document judiciaire est présenté comme l’«interprétation» d’une loi en vigueur réprimant la diffamation. Il souligne que certaines infractions seront considérées comme «graves» si ces «rumeurs» ou «fausses informations» déclenchent des «troubles sociaux, ethniques ou religieux»,si elles ont «un mauvais effet international» ou si elles «écornent l’image du pays».

One thought on “Philippe Grangereau

  1. shinichi Post author

    En Chine, la grande répression s’abat sur le Net

    par Philippe Grangereau

    http://www.liberation.fr/monde/2013/09/12/en-chine-la-grande-repression-s-abat-sur-le-net_931443

    Le pouvoir, qui a arrêté des centaines de cyberdissidents depuis mi-août, lance une «campagne de purification idéologique» avec une législation durcie.

    «Internet est devenu le principal terrain de bataille idéologique […] entre notre régime et les forces occidentales hostiles […] et il ne faut pas craindre de montrer l’épée.» C’est par ce discours martial, prononcé au beau milieu de l’été, que le président chinois, Xi Jinping, a déclaré la guerre aux dissidents qui s’expriment sur Internet. Militants démocrates, avocats, universitaires… plus de 450 personnes à travers tout le pays ont été placées derrière les barreaux depuis la mi-août, selon des estimations d’opposants.
    Afin de légaliser ces pratiques auxquelles le pouvoir communiste a recours depuis longtemps et de justifier cette campagne de répression, la Cour suprême a annoncé lundi que les personnes qui «répandent des rumeurs» ou des «fausses informations» qui sont «vues plus de 5 000 fois» sur la Toile, ou bien qui sont «repostées plus de 500 fois», seront désormais passibles de peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. Ce document judiciaire est présenté comme l’«interprétation» d’une loi en vigueur réprimant la diffamation. Il souligne que certaines infractions seront considérées comme «graves» si ces «rumeurs» ou «fausses informations» déclenchent des «troubles sociaux, ethniques ou religieux», si elles ont «un mauvais effet international» ou si elles «écornent l’image du pays».

    Terrorisés. Les réactions des internautes ne se sont pas fait attendre, notamment sur Weibo, le plus couru des sites de microblogging (309 millions de Chinois utilisent ces équivalents de Twitter, qui permettent d’envoyer des messages ne dépassant pas 140 caractères). «Il est devenu trop aisé d’inculper quelqu’un au terme de ce nouveau texte… La loi devrait, au contraire, protéger la liberté d’expression des citoyens», s’est insurgé le juriste Xu Xin. Pour beaucoup d’internautes, «la police peut désormais arrêter qui elle veut». «Je connais des tas de gens qui sont terrorisés par l’ampleur de cette campagne de répression», s’inquiète Gao, un journaliste de Pékin.

    Le pouvoir n’avait pas attendu la proclamation de ce texte – qu’il a très probablement l’intention d’appliquer de manière rétroactive – pour incarcérer des centaines de cyberdissidents depuis deux mois, sous prétexte d’avoir «répandu des rumeurs» ou «attiré une foule pour créer des troubles». Parmi ceux-ci, l’avocat Xu Zhiyong, initiateur du Mouvement des nouveaux citoyens. La rafle vise aussi des journalistes, des militants anticorruption et plusieurs personnes qui se sont présentées comme candidats indépendants aux élections de députés de quartier, telle Li Biyun, qui vit dans la province du Guangdong (sud). Ses amis assurent qu’elle a été torturée pendant les deux semaines d’incarcération qu’elle a endurées, et qu’elle ne peut plus se déplacer qu’en chaise roulante.

    «Confession». Le numéro 1 chinois, Xi Jinping, a encore appelé, le 19 août, les censeurs du Parti communiste à «bâtir une armée forte» pour réprimer les internautes et les médias qui «diffusent l’idéologie occidentale des valeurs universelles». «Les valeurs universelles» – tels les droits civiques ou la liberté de la presse – «n’existent pas», a-t-il martelé en sonnant la charge de ce qu’il appelle une «campagne de purification idéologique».

    Avant l’avènement d’Internet, le Parti contrôlait étroitement les médias en obligeant les journalistes à s’autocensurer par le biais d’un mélange subtil de lavage de cerveau, de chantage et de menaces pouvant aller jusqu’à l’envoi en camp de rééducation. Au travers de cet assaut répressif travesti en «campagne antirumeurs», c’est semble-t-il cette singulière «terreur de la plume» que les autorités tentent d’inoculer aux internautes. En particulier aux blogueurs influents – personnalités, millionnaires, acteurs de cinéma, écrivains, etc. – dont les posts et les tweets, tantôt effrontés, tantôt téméraires, sont suivis par des millions de personnes. Le 10 août, le Bureau d’information de l’Etat, un organisme lié au département de la Propagande, a convoqué tout un groupe de blogueurs en leur demandant de s’engager par écrit à s’autocensurer. L’homme d’affaires Charles Xue, un Américain d’origine chinoise vivant à Pékin, dont le blog est suivi par 10 millions d’internautes, a refusé. Il a été arrêté quelques jours plus tard pour avoir fréquenté des prostituées. Sa dégradante «confession» filmée a été diffusée peu après sur la chaîne nationale CCTV.

    Ce message implicite – «nous avons les moyens de vous faire taire» – a été accueilli par un mélange de colère et d’effroi par ces célébrités, qui se croyaient jusqu’alors protégés par leur renommée ou leur fortune. «Si on cherche à me faire jouer, à moi comme à d’autres internautes connus, un rôle de commissaire politique, je vous garantis que ça ne passera pas», s’exclame sur son blog Pan Shiyi, un promoteur immobilier suivi par 16 millions d’internautes. Li Houlin, un joaillier (qui compte près de 5,6 millions d’abonnés), souligne que «le meilleur moyen de stopper les rumeurs, c’est de faire savoir rapidement la vérité au public».

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