Jean Baudrillard, Joël Costa

Nous sommes dans un univers où il y a de plus en plus d’informations, et de moins en moins de sens.
Pour lui, l’information “dévore ses propres contenus“. Elle ne fait pas communiquer mais “s’épuise dans la mise en scène de la communication“, elle “dissout le sens“, proposant ainsi ce qu’il qualifie de “contenus fantômes“. Il reprend la formule de McLuan “medium is message” et en pose une rectification. Pour lui, tous les contenus du sens sont “absorbés dans la seule forme dominante du medium“. “Le medium seul fait événement. Quels que soient le contenu“. Une réflexion qui semble n’avoir jamais été aussi bien avérée qu’aujourd’hui.

Ce sont les mêmes signes que pour un vol réel, or les signes ne penchent ni d’un côté ni de l’autre. Pour l’ordre établi, ils sont toujours de l’ordre du réel.
De part cette “impossibilité de trouver un niveau absolu du réel” et cette “impossibilité de mettre en scène l’illusion“, Baudrillard affirme que “l‘illusion n’est plus possible, parce que le réel n’est plus possible“.

3 thoughts on “Jean Baudrillard, Joël Costa

  1. shinichi Post author

    Simulacres et simulation – Jean Baudrillard

    par Joël Costa

    Simulacres et simulation a été écrit en 1981 par Jean Baudrillard. Né en 1929 et mort le 6 mars 2007, ce philosophe français a travaillé dans ses différentes œuvres sur la société contemporaine et les modes de médiation de communication post modernes.

    Dans son œuvre "Simulacres et simulation", Baudrillard pose le simulacre comme "n’étant jamais ce qui cache la réalité", il ajoute que c’est "la vérité qui cache qu’il n’y en a pas", que "le simulacre est vrai". Il affirme à travers ses démonstrations, tout au long de l’ouvrage, que le simulacre a remplacé le sujet original auquel il se rapporte.

    Pour Baudrillard, "Dissimuler est feindre de ne pas avoir ce que l’on a", alors que "simuler est feindre d’avoir ce que l’on a pas". Ainsi, feindre ou dissimuler "laissent intacte le principe de réalité". La dissimulation, elle, remet en cause la différence du vrai et du faux, du réel et de l’imaginaire. Pour appuyer sa thèse, il prend l’exemple d’un malade. Un individu feignant une maladie peut simplement se mettre au lit et faire croire qu’il est malade. Un individue simulant une maladie émet des symptômes, et ces symptômes sont vrais. La cause n’est certes plus la maladie, mais le symptôme est bien réel. Pour Baudrillard, on ne peut faire la distinction entre ce qui est "produit" et ce qui est authentique. Il pose une autre situation. Comment réagirait la lois face à la simulation d’un old-up ? Comment persuader le service de contrôle qu’il s’agirait d’un vol simulé ?

    "Ce sont les mêmes signes que pour un vol réel, or les signes ne penchent ni d’un côté ni de l’autre. Pour l’ordre établi, ils sont toujours de l’ordre du réel."

    De part cette "impossibilité de trouver un niveau absolu du réel" et cette "impossibilité de mettre en scène l’illusion", Baudrillard affirme que "l‘illusion n’est plus possible, parce que le réel n’est plus possible".

    Cette vision que l’on pourrait trouver très nihiliste, cette "manie" que Baudrillard a tout au long de son œuvre d’hôter toute valeur au réel lui sera également reprochée par ses pairs.

    Baudrillard critique également dans une grande partie de son œuvre la télévision. Pour lui, l’histoire est "un mythe", un mythe artificialisé, détruit par les reportages et le cinéma. Il désigne ces derniers comme des "mémoires artificielles qui effacent la mémoire des hommes", leur mise en scène comme une "solution finale à l’historicité de tout événement".

    Il en vient a tirer une inversion lassante entre sujet initial et objet produit. Lassante car récurrente dans la totalité de son œuvre. Il affirme en effet pour son exemple de film de guerre que "la guerre se fait film" et que "le film se fait guerre".

    La réflexion posée par Baudrillard s’avérant la plus intéressante se trouvent dans son étude du traitement de l’information par les médias.

    Ainsi débute cette réflexion :

    "Nous sommes dans un univers où il y a de plus en plus d’informations, et de moins en moins de sens."

    Pour lui, l’information "dévore ses propres contenus". Elle ne fait pas communiquer mais "s’épuise dans la mise en scène de la communication", elle "dissout le sens", proposant ainsi ce qu’il qualifie de "contenus fantômes". Il reprend la formule de McLuan "medium is message" et en pose une rectification. Pour lui, tous les contenus du sens sont "absorbés dans la seule forme dominante du medium". "Le medium seul fait événement. Quels que soient le contenu". Une réflexion qui semble n’avoir jamais été aussi bien avérée qu’aujourd’hui.

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  2. shinichi Post author

    Simulacra and Simulations

    by Jean Baudrillard

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    Nous sommes dans un univers où il y a de plus en plus d’informations, et de moins en moins de sens. Trois hypothèses pour expliquer cet état de fait:

    – l’information produit du sens (facteur négentropique), mais n’arrive pas à compenser la déperdition brutale de signification dans tous les domaines;

    – l’information n’a rien à voir avec la signification (l’hypothèse de Shannon, d’une sphère de l’information purement instrumentale, medium technique n’impliquant aucune finalité de sens, et donc qui ne doit pas être impliquée dans un jugement de valeur);

    – il y a une corrélation rigoureuse et nécessaire entre le sens et l’information, dans la mesure où l’information est directement destructrice, ou neutralisatrice du sens et de la signification.

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    Comment feindre un délit et en faire la preuve ? Simulez un vol dans un grand magasin: comment persuader le service de contrôle qu’il s’agit d’un vol simulé ? … Aucune différence « objective » : ce sont les mêmes gestes, les mêmes signes …, or les signes ne penchent ni d’un côté, ni de l’autre.

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    The challenge of simulation is irreceivable by power. How can you punish the simulation of virtue? Yet as such it is as serious as the simulation of crime. Parody makes obedience and transgression equivalent, and that is the most serious crime, since it cancels out the difference upon which the law is based. The established order can do nothing against it, for the law is a second-order simulacrum whereas simulation is a third-order simulacrum, beyond true and false, beyond equivalences, beyond the rational distmctions upon which function all power and the entire social stratum. Hence, failing the real, it is here that we must aim at order.

    This is why order always opts for the real. In a state of uncertainty, It always prefers this assumption (thus in the army they would rather take the simulator as a true madman). But this becomes more and more difficult, for it is practically impossible to isolate the process of simulation; through the force of inertia of the real which surrounds us, the inverse is also true (and this very reversibility forms part of the apparatus of simulation and of power’s impotency): namely, it is now impossible to isolate the process of the real, or to prove the real.

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    The only weapon of power, its only strategy against this defection, is to reinject realness and referentiality everywhere, in order to convince us of the reality of the social, of the gravity of the economy and the finalities of production. For that purpose it prefers the discourse of crisis, but also – why not? – the discourse of desire. “Take your desires for reality!” can be understood as the ultimate slogan of power, for in a nonreferential world even the confusian of the reality principle with the desire principle is less dangerous than contagious hyperreality. One remains among principles, and there power is always right.

    Hyperreality and simulation are deterrents of every principle and of every objective; they turn against power this deterrence which is so well utilized for a long time itself. For, finally, it was capital which was the first to feed throughout its history on the destruction of every referential, of every human goal, which shattered every ideal distinction between true and false, good and evil, in order to establish a radical law of equivalence and exchange, the iron law of its power. It was the first to practice deterrence, abstraction, disconnection, deterritorialization, etc.; and if it was capital which fostered reality, the reality principle, it was also the first to liquidate it in the extermination of every use value, of every real equivalence, of production and wealth, in the very sensation we have of the unreality of the stakes and the omnipotence of manipulation. Now, it is this very logic which is today hardened even more against it. And when it wants to fight this catastrophic spiral by secreting one last glimmer of reality, on which to found one last glimmer of power, it only multiplies the signs and accelerates the play of simulation.

    As long as it was historically threatened by the real, power risked deterrence and simulation, disintegrating every contradiction by means of the production of equivalent signs. When it is threatened today by simulation (the threat of vanishing in the play of signs), power risks the real, risks crisis, it gambles on remanufacturing artificial, social, economic, -political stakes. This is a question of life or death for it. But it is too late.

    Whence the characteristic hysteria of our time: the hysteria of production and reproduction of the real. The other production, that of goods and commodities, that of la belle epoque of political economy, no longer makes any sense of its own, and has not for some time. What society seeks through production, and overproduction, is the restoration of the real which escapes it. That is why contemporary “material” production is itself hyperreal. It retains all the features, the whole discourse of traditional production, but it is nothing more than its scaled-down refraction (thus the hyperrealists fasten in a striking resemblance a real from which has fled all meaning and charm, all the profundity and energy of representation). Thus the hyperrealism of simulation is expressed everywhere by the real’s striking resemblance to itself.

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  3. shinichi Post author

    (sk)

    Jean Baudrillard はやはり、いい。

    多くの intellectuels français がそうであるように、Jean Baudrillard の文章は、論理の組み立てが理屈っぽく、内容が小難しい。

    翻訳は、それが英語になろうと日本語になろうと、Jean Baudrillard を120倍難しくし、「小難しい」を「とても難しい」にしてしまう。

    せっかく今の時代の変化を的確に表現しているのに、それがみんなには伝わらない。

    残念なのは、Jean Baudrillard を引用するのが、いかにも学者然とした人ばかりだということ。私のような普通の人にはなかなか伝わってこない。

    情報が溢れ、人はまず「どこにも真実がない」と気付き、次に「事実すらない」ことに愕然とする。

    尾崎豊が「どこにも真実などない」と歌い、ラルク・アン・シエルが「なにが嘘なのか」と歌った頃は、まだよかった。

    今はもう、真実などないのがあたりまえ。情報のほとんどは、事実どころか、リアルですらない。

    何十年も前にそれを理解した Jean Baudrillard はやはり、すごい。

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