Tim Berners-Lee

Tim Berners-LeeIl y a aujourd’hui un niveau sans précédent d’intérêt et une prise de conscience générale de l’importance des libertés numériques. On l’a bien vu, lorsqu’on parle de surveillance de masse ou d’espionnage des télécommunications, le grand public s’y intéresse de très près. En face, il y a, bien sûr, des gouvernements établis, des agences d’espionnage qui sont attachées à leurs méthodes de travail, et qui devront se réinventer. Il est temps de faire en sorte que les gouvernements soient tenus pour responsables de leurs actions auprès de leurs électeurs, et ceux-là ne laisseront pas leurs droits être piétinés.

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  1. shinichi Post author

    Tim Berners-Lee : « L’intérêt pour les libertés numériques est sans précédent »

    Le Monde.fr

    propos recueillis par Damien Leloup

    http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/10/29/tim-berners-lee-l-interet-pour-les-libertes-numeriques-est-sans-precedent_4513902_4408996.html

    Le World Wide Web Consortium (W3C), l’organisme chargé de fixer les standards du Web et de son principal langage, le HTML, fête ses 20 ans mercredi 29 octobre. Tim Berners-Lee, fondateur du W3C et principal inventeur du Web, revient sur les évolutions passées et à venir du réseau.

    Le Monde.fr : Le Web a 25 ans cette année, et le W3C, 20. Diriez-vous que le plan s’est déroulé comme prévu ?

    Tim Berners-Lee : Nous avons certainement réussi à rester « sur les rails », même si il y a eu des moments où il y a eu beaucoup de pressions et d’attaques contre le Web. Aujourd’hui, avec le HTML5, le Web est un outil plus puissant que jamais ; en ce sens, le plan s’est déroulé comme prévu ! Quand on regarde tout ce qui a été accompli, tout ce que l’on peut faire avec le HTML et le niveau dans ce que les gens font, c’est incroyable. Je n’avais pas imaginé voir un tel niveau de créativité et de diversité dans l’utilisation du Web et de ses outils.

    Le W3C vient de mettre en place un groupe de travail pour aboutir à un système de paiement en ligne ouvert. Pourquoi ?

    C’est effectivement quelque chose que nous voulons développer, parce que nous pensons que les systèmes de paiement en ligne pourraient être rendus plus simples. Jusqu’à présent, l’industrie n’a pas réussi à mettre en place un tel système de paiement, alors que c’est quelque chose qui intéresse beaucoup de gens. Un système plus standard, plus sûr, dans lequel les consommateurs puissent avoir confiance, c’est aussi quelque chose qui permettra de développer le commerce en ligne : on paye plus volontiers lorsque c’est simple. Et cela contribuera aussi à rendre le Web encore plus divers.

    Mais certains grands groupes, comme PayPal, Apple ou Google, ont déjà leur propre système de paiement… Pensez-vous vraiment qu’ils prendront part à un nouveau système ?

    Regardez ce qui s’est passé ces vingt dernières années, pendant la guerre des navigateurs : à l’époque, chaque éditeur voulait sa propre version du HTML, et chacun pensait qu’il parviendrait à dominer tous ses concurrents. Cela ne marche pas. Au bout d’un moment, les éditeurs eux-mêmes se sont rendu compte que c’était plus efficace d’avoir un standard commun. Il y avait par exemple des conflits majeurs sur la manière de générer des tableaux en HTML : aujourd’hui, c’est un jeu d’enfant.

    C’est la même chose pour les paiements. Oui, bien sûr, il y aura pendant un moment des systèmes propriétaires qui coexisteront avec un système standard ouvert. Mais à la fin tout le monde comprendra que le standard fait à la fois gagner du temps à tout le monde et rend le commerce en ligne plus simple. Les systèmes propriétaires finiront par s’effacer.

    Dans et en dehors du W3C, il y a aussi eu de vifs débats en début d’année sur le système des « Encrypted Media Extensions » (EME), un système antipiratage qui ne fait pas encore partie des spécifications officielles du HTML5 mais qui est défendu par de nombreuses entreprises. Ce système est-il bon ?

    Aujourd’hui, les entreprises utilisent en effet des systèmes fermés, propriétaires, pour contrôler leurs droits. EME peut être rendu plus ouvert, et présente aussi l’avantage d’être disponible pour les petites entreprises comme pour les grandes.

    Beaucoup de personnes se sont inquiétées du fait que la technologie utilisée dans EME donne techniquement accès à une partie de votre ordinateur à un tiers, ce qui est effectivement dangereux par principe. Mais ce système de gestion des droits ne permet pas à un tiers d’installer un programme-espion sur votre machine.

    Avec le HTML5, on a créé un système de téléphonie (WebRTC, qui est intégré notamment à Firefox). Un système de paiement est aujourd’hui à l’étude. Demain, dans quelles autres directions le HTML5 va-t-il se développer ?

    Il y a beaucoup de choses en cours au sein du W3C, dans beaucoup de domaines. L’un des projets qui a un très grand potentiel concerne l’utilisation du Web ouvert [dont les standards sont gérés de manière collaborative] en tant que plateforme de traitement de données, ce qui permet de construire des outils totalement nouveaux. Avec WebRTC, vous pouvez discuter d’humain à humain, mais vous pouvez aussi utiliser le HTML5 pour faire communiquer des pages Web les unes avec les autres, et leur faire faire des tâches variées. Je pense que nous allons voir dans les années à venir des services très innovants qui utiliseront ces technologies.

    En mars dernier, vous appeliez à la création d’un « Bill of Rights », une déclaration des droits numériques protégeant la vie privée et les données de chacun. Ces dernières semaines, le gouvernement britannique a pourtant annoncé une série de nouvelles mesures restreignant, selon leurs adversaires, les libertés numériques…

    Je crois que cela va donner lieu à une importante discussion. Il y a aujourd’hui un niveau sans précédent d’intérêt et une prise de conscience générale de l’importance des libertés numériques. On l’a bien vu, lorsqu’on parle de surveillance de masse ou d’espionnage des télécommunications, le grand public s’y intéresse de très près. En face, il y a, bien sûr, des gouvernements établis, des agences d’espionnage qui sont attachées à leurs méthodes de travail, et qui devront se réinventer. Il est temps de faire en sorte que les gouvernements soient tenus pour responsables de leurs actions auprès de leurs électeurs, et ceux-là ne laisseront pas leurs droits être piétinés.

    En dehors du W3C, vous conseillez également MeWe, un réseau social qui se présente comme très protecteur de la vie privée. Mais après les récentes révélations montrant que Snapchat ou Whisper étaient loin de protéger efficacement les informations de leurs utilisateurs, peut-on réellement faire confiance à un service de ce type ?

    Oui, je conseille les créateurs de MeWe, parce que j’ai, au moins, la certitude qu’ils ne vendront pas mes données. Certes, si j’utilise ce service ou un autre, je peux toujours être victime d’espionnage, si quelqu’un a mis ma connexion sur écoute, mais c’est un autre type d’attaque, à la portée des agences de renseignement. Mais je peux au moins m’assurer que je sais où se trouvent mes données, c’est pourquoi je travaille avec cette entreprise qui est, à ma connaissance la première à avoir adopté un « digital Bill of rights ».

    Dans la plupart des cas, les problèmes de vie privée ne sont pas des problèmes de sécurité informatique, mais des problèmes de modèle économique. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il faut chercher à vendre ses données personnelles au plus offrant, notamment parce que je pense que mes données personnelles ont une énorme valeur. Je crois que dans le futur de plus en plus de gens le penseront aussi.

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