Jean-Gabriel Ganascia

On ne sait pas ce que c’est que la conscience, on n’en connaît pas les fondements. On n’est donc pas capables de créer une machine consciente. Pour cela, il faudrait que la machine perçoive comme nous : la douleur, le plaisir… Et quand bien même, elle ne les percevra pas de la même manière que nous.

2 thoughts on “Jean-Gabriel Ganascia

  1. shinichi Post author

    L’Intelligence artificielle

    par Jean-Gabriel Ganascia

    «L’intelligence artificielle est une idée neuve» – «Les Japonais sont les champions de l’intelligence artificielle» – «L’intelligence artificielle reproduit l’activité de notre cerveau» – «Les ordinateurs ne se trompent jamais» – «Les machines n’ont pas d’émotion ni de conscience» – «Demain, les robots nous mettront tous au chômage»…

    Issues de la tradition ou de l’air du temps, mêlant souvent vrai et faux, les idées reçues sont dans toutes les têtes. L’auteur les prend pour point de et apporte ici un éclairage distancié et approfondi ce que l’on sait ou croit savoir.

    Jean-Gabriel Ganascia, professeur à l’université Pierre et Marie Curie (Paris VI) et chercheur au LIP6, enseigne l’informatique, l’intelligence artificielle et les sciences cognitives. Des premiers automates aux derniers robots intelligents présentés au Japon, la machine ne cesse de fasciner. Cet ouvrage est l’occasion de mieux cerner les enjeux et les limites de l’intelligence artificielle, science souvent située aux frontières de la SE.

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  2. shinichi Post author

    Introduction :

    Telle une étincelle, l’esprit jaillit parfois de l’entrechoquement de mots contraires. Les ardents et subtils rhétoriqueurs de l’âge baroque le savaient et en usaient à merveille ; les informaticiens contemporains, nourris de syllogismes et de hamburgers, ne l’ont pas oublié… Les succès qu’alimentèrent les controverses nées autour de l’intelligence artificielle leur ont donné raison : l’accolement des deux mots «intelligence» et «artificielle» fait toujours scandale, à défaut de faire recette.

    Et pourtant, à bien y réfléchir, les termes sont tout à fait appropriés : au sens étymologique, l’intelligence artificielle est bien un «artifice», c’est-à-dire un art consommé qui fait illusion en produisant des leurres fabriqués tout exprès pour nous tromper, en laissant accroire que les machines seraient effectivement intelligentes.

    Qu’une machine interprète les ordres que nous lui donnons en langue ordinaire, par écrit ou oralement, pour s’exécuter conformément à nos souhaits ; qu’elle pose quelques questions pertinentes avant de suggérer un diagnostic médical ; qu’elle localise d’elle-même les pièces défaillantes d’une voiture atteinte de hoquet ; qu’elle démontre quelques théorèmes mathématiques inédits ; qu’elle reconnaisse des cellules malignes dans une coupe biologique grossie plusieurs centaines de fois au microscope ; qu’elle guide un robot jusqu’à ce qu’il se repère dans le labyrinthe où il se trouve enfermé ; qu’elle joue aux échecs et gagne une partie contre le champion du monde en titre… l’intelligence artificielle est là, et tous s’exclament : «0 prodige !». Serait-ce que les machines, au terme de longs calculs, seraient vraiment devenues intelligentes, et qu’elles posséderaient un esprit, voire que les ingénieurs, à force de les instruire, les auraient dotées d’une conscience ? Point n’est besoin d’aller jusque-là, et d’ailleurs, personne n’est vraiment dupe. Il suffit qu’un ensemble de techniques mises au point par des informaticiens simule des capacités cognitives ordinaires de compréhension du langage naturel, de reconnaissance de la parole, de raisonnement, de résolution de problèmes, de vision, de planification, de jeux…

    Ces techniques font toutes intervenir des opérations informatiques ordinaires sur des chaînes de caractères, c’est-à-dire sur des mots ou, plus exactement, sur des textes qui symbolisent des sons, des images, des sensations, des états d’esprit… Comme les autres techniques de l’informatique, elles font appel à la logique, aux mathématiques discrètes, à l’algorithmique, à la programmation…

    Cependant, le rapprochement des mots «intelligence» et «artificielle» semble faire resurgir d’un lointain passé de vieux mythes, tel celui du Golem, avec leur cortège de légendes et de maléfices. Or, en dépit des craintes que beaucoup nourrissent, il n’en est rien. Les machines fabriquées par l’intelligence artificielle ne possèdent pas, par elles-mêmes, la capacité de prendre le pouvoir sur l’espèce humaine et de la réduire à l’esclavage ; d’ailleurs, pour se prémunir de leurs dangers, il suffit de les débrancher.

    De plus, l’intelligence artificielle ne vise aucunement à destituer l’homme de son privilège de penser, pour lui substituer une machine pensante. Elle ne bâtit que des théâtres imaginaires, où se meuvent des personnages chimériques dotés d’aptitudes partielles. Elle n’est qu’une intelligence fabriquée au moyen de techniques informatiques ; autrement dit, elle n’est qu’une «intelligence artificielle»…

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