One thought on “Les cycles glaciaires interglaciaires

  1. shinichi Post author

    Mécanismes des cycles glaciaire- interglaciaires

    https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/garchy3.html

    Introduction

    La surface de la planète contient des archives uniques de la variabilité du climat et de l’environnement, en particulier pour le Quaternaire récent, caractérisé par une succession de cycles glaciaire-interglaciaires rythmés par les fréquences orbitales. Sur cette échelle de temps, notre connaissance des climats passés s’appuie sur différentes sources de données :

    Les enregistrements continentaux apportent des informations sur l’évolution de la température, du cycle hydrologique, de la végétation, … Ils ont en général un caractère régional ou local. Les indicateurs de base incluent les pollens, les insectes, les escargots, le paléomagnétisme, l’analyse de la matière organique (13C), les paléosols, la composition isotopique des petits crustacés…

    Les enregistrements marins fournissent une description de l’évolution des températures océaniques de surface (SST) (assemblages et composition isotopique des foraminifères), de la circulation océanique (13C) et du volume des glaces continentales (18O des benthiques). Une couverture des différents océans est nécessaire pour avoir une vue globale de la variabilité de ces paramètres climatiques.

    La glace est essentiellement le vecteur de l’enregistrement atmosphérique, de nature régionale ou caractéristique d’une bande latitudinale (taux de précipitation à partir des mesures en 10Be, température des hautes latitudes déduites de la composition de la glace ou des mesures de températures dans les trous de forage, aérosols marins et continentaux), mais aussi d’ordre globale: gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O piégés dans la glace), cycle hydrologique et volume des glaces (18O atm).

    La modélisation des paléoclimats représente une approche complémentaire et indispensable à l’obtention de données paléoclimatiques. Elle permet d’aider à l’interprétation des données, à la compréhension des mécanismes des changements climatiques et à la validation des modèles pour des conditions climatiques différentes de l’actuel.

    Ces enregistrements de la variabilité “naturelle”à différentes échelles de temps présentent plusieurs vertus essentielles :
    – ils mettent en perspective les perturbations anthropogéniques du système climatique et de l’environnement de notre planète ;
    – ils permettent de contraindre les modèles climatiques pour des conditions différentes de l’actuelle ;
    – ils informent sur le rôle respectif des différents forçages internes au système et de leurs effets rétroactifs.

    L’ensemble de ces enregistrements a produit une somme d’information qui, de toute évidence, a permis, en symbiose avec les efforts de modélisation, de progresser dans la compréhension des mécanismes qui régissent notre climat. Il n’est pas question ici de dresser une liste exhaustive de ces informations et mécanismes, mais plutôt de citer quelques domaines-clés tels que :

    • la distribution en latitude de la température et de la précipitation pour des conditions climatiques variées ;
    • les interactions gaz à effet de serre – climat ;
    • les interactions climat – volume des glaces continentales ;
    • les interactions circulation thermohaline – climat.

    Nous illustrons ci-dessous la contribution d’équipes françaises dans ces domaines de paléoclimatologie par une série d’exemples concernant :

    • la variabilité climatique à l’échelle des derniers cycles climatiques ;
    • les séquences de forçage : insolation et interactions internes au système climatique ;
    • la comparaison des interglaciaires ;
    • les mécanismes ayant gouverné l’entrée dans la dernière glaciation ;
    • la sensibilité de la mousson aux variations de l’insolation.

    État des connaissances et principaux résultats

    Les derniers cycles climatiques

    Les études paléoclimatologiques ont été dans le passé largement focalisées sur la compréhension du dernier cycle climatique. La communauté désormais obtient des enregistrements uniques et fiables permettant d’étudier la variabilité et les mécanismes sous-jacents à l’échelle des 4 derniers cycles climatiques (environ les derniers 400 000 ans) (Figure 1). On peut citer l’enregistrement pollinique du Velay (Reille et al., 1998), un certain nombre d’enregistrements marins permettant de reconstituer les SST et la circulation profonde (ex, Labeyrie et al., 1996) et désormais l’enregistrement atmosphérique de Vostok, unique pour les 4 derniers cycles (Petit et al., 1999). L’ensemble de ces enregistrements sont rythmés par les fréquences orbitales dont la période dominante est celle de 100 000 ans. Si le rôle des paramètres orbitaux apparaît clairement comme stimulateur des changements climatiques à l’échelle des cycles glaciaire-interglaciaires, de fortes interrogations demeurent en ce qui concerne l’amplitude des variations et la non linéarité du système climatique.

    Récemment, à partir d’un modèle conceptuel, Paillard (1998) a montré que les notions de seuil et d’hystérésis sont essentielles pour expliquer les cycles glaciaire-interglaciaires et la non-linéarité de la réponse du système climatique au forçage astronomique. Un modèle plus physique nécessite d’être développé pour mieux comprendre l’existence de tels seuils.

    Insolation et interactions internes au système climatique

    Différents processus de rétroaction internes au système climatique peuvent jouer un rôle important dans la réponse au forçage d’insolation. Les principaux candidats mis en évidence par l’étude des paléoenregistrements sont les gaz à effet de serre, les phénomènes d’albédo (volume des glaces, végétation), la circulation thermohaline et la circulation atmosphérique.

    Les résultats majeurs obtenus ces dernières années indiquent une séquence marquée durant les passages d’un régime glaciaire à une période interglaciaire : le réchauffement des hautes latitudes de l’hémisphère sud se produit simultanément à l’augmentation des gaz à effet de serre, avant le réchauffement de l’hémisphère Nord et la fusion des calottes (par exemple, Petit et al., 1999). Des oppositions de phase entre hémisphères Nord et sud apparaissent également dans la variabilité haute fréquence (événements de Dansgaard/Oeschger, voir le volet sur les changements rapides).

    Les tropiques jouent aussi probablement un rôle important encore très mal compris. En effet, Waelbroeck et al. (1995) montrent que sur les deux derniers cycles climatiques, les températures des hautes latitudes de l’hémisphère Sud semblent pilotées par les changements d’insolation des tropiques, ce que confirme l’étude de l’excès en deutérium à Vostok sur le dernier cycle (Vimeux et al., 1999). Dans les transitions glaciaire-interglaciaires, les températures de surface dans les tropiques augmentent également avant la variation du niveau marin (Bard et al., 1997).

    Ces premières études montrent qu’il faudrait analyser plus en détail les transitions glaciaire-interglaciaires et interglaciaire-glaciaires qui offrent un “atelier naturel” pour étudier des mécanismes de base de la dynamique du climat. Afin de mieux comprendre la dynamique des cycles, il est également nécessaire d’améliorer les datations afin de mettre en relation les changements intervenant aux différentes latitudes et entre océan et glaces.

    Comparaison des interglaciaires

    Certains des interglaciaires (stades 5e, 9 et 11 par exemple cf figure 1) présentent des conditions climatiques plus ” chaudes ” qu’aujourd’hui qui pourraient servir d’analogues pour des conditions climatiques futures. Les enregistrements marins montrent que le stade 11 est particulièrement intéressant : il a duré plus longtemps, il était sans doute globalement très chaud avec un niveau marin apparemment nettement plus élevé, et le cycle du carbone était atypique. L’enregistrement continental du Velay sur plusieurs cycles démontre également l’importance d’étudier plusieurs interglaciaires. Ceux-ci semblent tous avoir été différents comme en attestent les séquences d’évolution de la végétation.

    Etudier les interglaciaires peut également permettre de mieux comprendre la non linéarité du système par rapport au forçage d’insolation et renseigner sur les mécanismes de rétroaction. Par exemple, les stades 7 et 11 illustrent clairement qu’il n’y a pas un lien direct entre amplitude du forçage et amplitude de la réponse du système climatique. Concernant les interglaciaires, un accent particulier est à mettre sur l’Holocène qui fournit le contexte dans lequel se produisent les changements anthropiques.

    Entrée dans la dernière glaciation

    L’étude à haute résolution des sédiments marins de l’Atlantique Nord (Cortijo et al., 1999) a permis de mettre en évidence une augmentation du gradient de température et de salinité entre basses et hautes latitudes au cours de l’Eemien juste avant le démarrage brutal de la glaciation.

    Afin de tester les mécanismes d’entrée en glaciation, plusieurs études de sensibilité au forçage d’insolation d’il y a 115 000 ans (maximum de changement) ont été menées avec des modèles de circulation générale de l’atmosphère. Une première étude, menée par de Noblet et al. (1996 b), a mis en évidence le rôle majeur joué par la rétroaction positive de la végétation. Néanmoins, en introduisant les changements de gradient thermique observés et les changements de végétation, le modèle permet de garder une couverture de neige sur la Fennoscandie mais pas sur la Laurentide. L’enjeu maintenant réside dans une meilleure prise en compte du rôle de l’océan à l’aide de modèles couplés atmosphère-océan afin d’essayer de répondre aux questions posées par les mécanismes d’entrée en glaciation.

    Mousson et insolation

    Différentes études ont montré la forte sensibilité de la mousson en Asie et en Afrique au forçage astronomique de précession (autour de 20 000 ans) (ex, Rousseau et Wu,1998; Colin et al., 1999 ; Wei et Gasse, 1999). Les changements de mousson ont également été utilisés pour corréler des enregistrements marins et continentaux grâce aux modifications du contenu en pollens mesuré dans les sédiments (Lézine et Casanova, 1991).

    Les modèles de climat permettent de mieux comprendre les mécanismes mis en jeu. Par exemple, dans le cadre du projet international Paleoclimate Modeling Intercomparison Project (PMIP) tous les modèles d’atmosphère montrent une augmentation de la mousson d’été il y a 6 000 ans, en réponse à l’augmentation de l’insolation d’été et au chauffage du continent. Néanmoins, aucun ne reproduit une migration vers le nord des zones de végétation aussi forte que celle qui est observée en Afrique par les pollens (Joussaume et al., 1999 ; Jolly et al., 1998). Des études récentes expliquent ce désaccord en montrant le rôle important de rétroactions dues à l’océan (Braconnot et al., sous presse) et à la végétation (Texier et al. 1997; Texier et al., 2000), négligées en première approche. Des premiers résultats montrent même que la prise en compte simultanée de ces deux interactions est indispensable (Braconnot et al., 1999). Le développement de modèles couplés atmosphère-océan-végétation apparaît indispensable pour étudier la réponse du climat aux changements d’insolation.

    De nombreuses questions restent encore en suspens sur le rôle joué par les changements de mousson sur la dynamique des cycles climatiques, en particulier la saisonnalité de ces changements dans les deux hémisphères est encore très mal connue.

    Le dernier maximum glaciaire

    Parallèlement à l’étude de l’Holocène, un effort important de la communauté porte sur la simulation du dernier maximum glaciaire, à la fois pour évaluer les capacités d’un modèle dans des conditions extrêmes et pour aider l’interprétation des données paléoclimatiques. Dans les tropiques, Pinot et al. (1999) a montré à partir des résultats des simulations PMIP qu’il est possible de réconcilier données terrestres (Farrerra et al., 1999) et données de températures océaniques (Bard et al., 1997), du moins pour certains modèles (Figure 2). Cependant, il est actuellement impossible de simuler un gradient thermique réaliste entre les tropiques et les moyennes latitudes lorsque l’on compare les modèles aux nouvelles reconstructions climatiques en Europe (Peyron et al., 1998).

    Aux hautes latitudes, l’amplitude des changements de température nécessite de mieux comprendre la dépendance entre isotopes et température. En effet, par comparaison à la mesure directe de température dans le trou de forage, la température isotopique sous-estime le changement observé (Jouzel et al., 1997). Les modèles sont un moyen d’étudier les raisons de ce désaccord qui pourrait provenir soit de différences entre gradient temporel et gradient spatial entre isotopes et température (Hoffmann et al., sous presse), soit de changements dans la saisonnalité (Krinner et al., 1997).

    A terme, on se dirige vers l’étude du couplage atmosphère-océan et atmosphère-végétation afin de mieux comprendre les processus conduisant à l’amplitude des changements observés. Un important effort de compilation des données reste encore nécessaire, en particulier sur les continents pour améliorer la quantification des changements climatiques et sur les océans pour reconstituer les températures de surface des océans dans le cadre du projet international EPILOG. Le couplage atmosphère calotte de glaces commence également à être étudié (Fabre et al., 1997) afin de mieux comprendre la dynamique des calottes de glace.

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