I
L’ÉTRANGER
—
— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
— Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
— Tes amis ?
— Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
— Ta patrie ?
— J’ignore sous quelle latitude elle est située.
— La beauté ?
— Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
— L’or ?
— Je le hais comme vous haïssez Dieu.
— Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… les merveilleux nuages !
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L’Étranger
Charles Baudelaire
Petits Poèmes en prose (Le Spleen de Paris)
https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99%C3%89tranger
巴里の憂鬱
by ボードレール
translated by 三好 達治
(1951)